Le Collectif des Associations Unies lance une série de webinaires sur l’actualité de l’hébergement et du logement.
Le premier s’est tenu le vendredi 30 juin et était animé par Clément Larhantec, responsable du pôle habitat de la Fédération nationale des associations solidaires d’action avec les Tsiganes et Gens du Voyage (FNASAT-GV).
La Fnasat-Gens du voyage a publié une note d’interpellation détaillant l’insuffisance de mise en œuvre, de suivi et d’évaluation des politiques publiques pour l’accueil et l’habitat des gens du voyage. Pour mettre fin aux graves ruptures d’égalité que cela entraine, elle appelle fermement les pouvoirs publics à agir et formule des propositions. Ce webinaire dresse un état des lieux et retrace l’évolution des politiques sur l’hébergement et le logement des gens du voyage.
Mercredi 06 juillet, le Collectif des Associations Unies a tenu une conférence de presse (à regarder en replay ici) pour dresser un bilan de l’année écoulée en matière d’hébergement et de logement, et partager ses fortes inquiétudes pour les mois à venir.
A la veille des vacances scolaires, alors que l’été est souvent marqué par une augmentation des expulsions et des remises à la rue de familles hébergées, la situation est déjà très inquiétante : plus de 1 800 enfants sont sans solution chaque soir faute de réponse possible par le 115, la production de HLM s’effondre, et les expulsions locatives ont atteint un niveau record, 17 500 en 2022, alors que la loi « Kasbarian » n’a pas encore produit ses effets négatifs.
Nous craignons qu’une baisse du niveau de places d’hébergement soit de nouveau à l’ordre du jour du Projet de Loi de Finances 2024. Au niveau local, des suppressions de places sont déjà en cours (au moins 6 000 places d’hébergement sont menacées), alors que les besoins, eux, ne faiblissent pas. Au vu des retours de terrain des sas de « desserrement » de l’Île-de-France, censés faciliter l’étude des situations en région, nous constatons que le dispositif est voué à déplacer le problème en dehors de l’Île-de-France s’il n’est pas accompagné d’une création significative de places. C’est dans ce contexte que s’inscrivait le CNR logement, qui a été une nouvelle occasion manquée d’apporter des réponses concrètes aux victimes de la crise du logement.
La situation est aussi critique pour les acteurs mobilisés aux côtés des locataires menacés d’expulsion, d’habitants de squats, bidonvilles et lieux de vie informels, notamment à Mayotte dans le cadre de l’opération Wuambushu initiée par le gouvernement pour expulser des habitants de bidonvilles.
Angèle Roblot, Chargée de relations médias à la Fondation Abbé Pierre, aroblot@fondation-abbe-pierre.fr / 06 23 25 93 79 Charlotte Abello, Chargée de communication à la Fédération des acteurs de la solidarité : charlotte.abello@federationsolidarite.org / 06 17 80 03 52
L’annonce d’un second plan Logement d’abord, tant de fois repoussée, est une bonne nouvelle, mais de nombreux angles morts demeurent.
La philosophie du Logement d’abord est portée depuis des années par les associations du CAU, pour faire du logement le socle d’un parcours plutôt qu’un aboutissement après des années d’errance. Le premier plan Logement d’abord avait montré la pertinence de cette approche, en augmentant le nombre d’attributions Hlm aux personnes sans domicile, en relançant la production de pensions de famille et d’intermédiation locative dans le parc privé, en lien avec 44 territoires engagés.
Pour autant, malgré certaines réussites du premier plan Logement d’abord, force est de constater que la situation s’est détériorée, selon des chiffres inquiétants en augmentation chaque année : plus de 330 000 personnes sans domicile, 6 000 demandes non-pourvues chaque soir au 115 et 2,4 millions de ménages en attente de logement social.
Le soutien financier à ce second plan, avec 29 millions d’euros supplémentaires chaque année, est certes appréciable. Mais, dans un contexte de forte montée des coûts, ce coup de pouce risque d’être insuffisant pour changer la donne.
Alors que le plan Logement d’abord est doté de quelques dizaines de millions d’euros supplémentaires, n’oublions pas que les coupes budgétaires depuis 2017 réduisent les APL de 4 milliards chaque année et que les ponctions sur les Hlm ont précipité la chute de la production Hlm d’un quart. Alors que les impayés de loyer augmentent, le loi « Kasbarian » va accélérer les expulsions de personnes précarisées, déjà à un niveau inédit (17 500 expulsions locatives et 2 078 expulsions de lieux de lieux de vie informels en 2022), en contradiction avec l’ambition du plan dévoilé aujourd’hui de prévention des expulsions.
A l’heure où les propositions des participants du CNR-Logement ont été balayées d’un revers de main par le gouvernement, rappelons qu’un plan Logement d’abord ne peut pas remplacer une vraie politique du logement.
Il ne peut pas non plus se substituer à une politique de l’hébergement volontariste, associant places d’hébergement d’urgence en nombre et en qualité suffisants. Le gouvernement doit cesser les fermetures de places en cours et prendre en compte l’impact de l’inflation sur les moyens des associations au risque d’une dégradation de l’accompagnement social, qui plus est au moment où des personnes sont orientées depuis l’Île-de-France vers les régions.
De plus, de nombreuses zones de flou restent à éclaircir dans le plan du ministère du Logement : quels sont ces « 100 000 logements très sociaux » à produire sur le quinquennat ? Pourquoi l’objectif de production de 40 000 logements très sociaux (PLAI) par an a-t-il disparu ? Quel est l’objectif d’attribution de logements sociaux aux personnes sans domicile ? Est-il prévu le moindre assouplissement pour permettre aux personnes sans domicile en situation irrégulière de régulariser leur situation ? Quel renforcement de l’accompagnement social des personnes sans domicile toujours plus nombreuses ? Autant de questions qui appellent des réponses bien plus ambitieuses pour les personnes sans domicile et mal-logées que le plan présenté aujourd’hui.
Laure Kuntzinger, Responsable du service communication et des partenariats privés de à la Fédération des acteurs de la solidarité : laure.kuntzinger@federationsolidarite.org / 06 31 16 27 90
Très peu pour les sans-domicile et les mal-logés, quasiment rien pour le logement social… : après des mois de concertation, qui ont montré chez tous les participants une urgence à agir, le CNR-logement apporte bien peu de réponses aux victimes de la crise du logement. Le flou des réponses apportées reflète le manque d’ambition et de vision du gouvernement.
Le CAU se félicite certes de l’annonce, après des mois de report, du plan de relance du « Logement d’abord », pour faciliter l’accès au logement des personnes sans domicile, qui offre une certaine visibilité aux acteurs. Mais nous sommes en attente sur le contenu du plan, les détails sur la programmation pluriannuelle de l’hébergement, les logements d’insertion (résidences sociales, intermédiation locative, foyers de jeunes travailleurs…), la prévention des expulsions, les attributions Hlm, l’accompagnement social… Les montants annoncés, 40 millions d’euros par an jusqu’en 2027, semblent se limiter à la poursuite du plan au même niveau qu’en 2023, alors que les besoins explosent partout dans les zones tendues et que le 115 laisse à la rue des milliers de personnes chaque soir faute de solutions.
Pire, alors que le secteur Hlm traverse une grave crise, avec une chute de la production neuve en raison des coupes budgétaires depuis 2017 et de la hausse des taux d’intérêt, la relance du logement social est la grande oubliée des annonces, hormis quelques mots d’ordre imprécis.
Le développement de logements aux loyers légèrement inférieurs au marché, par le logement « intermédiaire » est certes utile, mais il ne doit pas faire oublier que la demande la plus urgente concerne les logements sociaux et même très sociaux (73 % des 2,4 millions de demandeurs Hlm sont sous les plafonds de ressources du logement très social).
Les mesures de régulation des marchés, qu’il s’agisse de l’encadrement des loyers ou du foncier, ne semblent pas avoir été retenues, sans parler de l’arlésienne de l’encadrement d’Airbnb, renvoyé encore une fois à plus tard. L’élargissement de Visale est le bienvenu, toutefois la formule retenue est moins ambitieuse que la promesse du candidat Macron en 2022.
Sur le front de l’amélioration de l’habitat, même si aucune annonce ne concerne l’habitat indigne, les aides à la rénovation énergétique performante doivent être accrues. Nous attendons des arbitrages financiers en conséquence.
De manière générale, le CNR-logement semble calibré pour ne rien coûter ou presque à l’Etat. Alors que le projet de loi de finances pour 2024 pourrait faire la part belle aux coupes budgétaires sur le logement, le CAU appelle au contraire à un investissement public fort pour les mal-logés.
Alors que les plans habitat et hébergement de la région Île-de-France (SRHH) et de la Métropole du Grand Paris (PMHH) sont en cours de révision, le groupe inter-associatif sur l’accès au logement social du Collectif des associations unies (CAU) publie son nouveau rapport sur la Métropole du Grand Paris (MGP). Les conclusions sont alarmantes : les freins et inégalités constatés à l’échelle nationale dans l’accès au logement social sont exacerbés au sein de la MGP.
Comment peut-on justifier que le quart le plus pauvre des demandeurs de logements sociaux n’y obtienne que 13,5 % de l’ensemble des attributions ? Ce chiffre tombe à 10,2 % pour les attributions hors des quartiers prioritaires de la politique de la ville, loin des 25 % imposés par la loi depuis 2017. L’écart est grand avec les autres métropoles régionales qui parviennent à attribuer 18 % des logements au quart le plus pauvre des demandeurs et 15 % en dehors des quartiers prioritaires de la politique de la ville.
Le grippage du système francilien est profond. Avec l’envolée des prix et des loyers du parc privé, un nombre croissant de ménages des classes moyennes demandent un logement social, alors que peu de locataires parviennent à quitter le parc social, laissant ainsi de moins en moins de logements disponibles. Le problème d’offre n’en est qu’exacerbé : dans la MGP, chaque année, le nombre de demandes de logements sociaux est dix fois supérieur à l’offre (près de 500 000 demandes pour moins de 50 000 attributions).
De plus, les demandeurs de logements sociaux dans la MGP sont plus souvent mal-logés : 39 % des demandeurs pauvres sont sans-abri, hébergés chez des tiers ou en structure, contre 27 % en moyenne dans les autres métropoles. Ils attendent encore plus longtemps qu’ailleurs dans ces situations précaires puisque 35 % des demandeurs pauvres y attendent un logement social depuis plus de trois ans, contre 17 % en moyenne dans les métropoles régionales. Avec un niveau élevé de prix et de loyers dans le parc privé et une offre abordable trop faible dans le parc social, les logements sociaux ne reviennent pas en priorité aux ménages les plus pauvres.
Face à cette situation, les associations demandent d’augmenter et de mieux répartir l’offre de logements sociaux. En effet, le rapport constate que les efforts fournis sont très inégaux à travers les territoires de la MGP. Certains territoires, notamment Paris Est Marne et Bois, Grand Paris Seine Ouest et Paris Ouest La Défense, produisent très peu de logements très sociaux et ont un niveau très insuffisant d’attributions aux demandeurs les plus pauvres en dehors des QPV. Il manque 140 000 logements sociaux pour que toutes les communes de la Métropole atteignent au moins les 25 % prescrits par la loi SRU.
Les associations préconisent également de baisser les quittances de loyer à travers notamment l’augmentation des APL, de rendre les attributions plus équitables en identifiant et en priorisant les ménages les plus pauvres, et de renforcer la gouvernance de la Métropole du Grand Paris afin de lui donner et qu’elle se dote enfin de plus de pouvoir en matière de logement et d’hébergement. Le rapport rappelle que le cadre légal existant doit être pleinement appliqué et renforcé, et propose d’appliquer des taux plus élevés de production de logements très sociaux aux communes qui ont pris du retard sur la production de logement social.
La carte qui suit – construite à partir d’un indicateur synthétique des difficultés d’accès au logement social des demandeurs pauvres (ISDA) – illustre au mieux à la fois l’ampleur des difficultés et les inégalités d’accès au logement social sur les territoires de la Métropole du Grand Paris.
Indicateur synthétique des difficultés d’accès au logement social (ISDA) des demandeurs pauvres dans les 12 territoires de la Métropole du Grand Paris
Composantes de l’indicateur
Pourcentage de demandeurs pauvres en attente d’un logement social depuis au moins 3 ans
Nombre de ménages prioritaires au titre du DALO non relogés pour 1000 demandeurs
Taux d’attribution aux demandeurs pauvres (dont le niveau de vie est en dessous du seuil de pauvreté défini par l’Insee à 60% du niveau de vie médian)
Part des attributions au premier quartile des demandeurs en dehors des QPV
Sources des données : SNE (2017-2018) et InfoDalo (2019)
Le plan Logement d’abord actuel, auquel nos associations ont largement contribué, est parvenu à augmenter les sorties de la rue vers le logement, mais a échoué à faire baisser réellement le nombre de personnes sans domicile, faute de réussir à prévenir davantage les phénomènes de perte de logement liés à des expulsions locatives ou d’autres ruptures résidentielles, et faute, surtout, de s’être inscrit dans une politique permettant le développement de la production de logements sociaux. La conception d’un nouveau plan Logement d’Abord, annoncé dans ses grandes lignes, doit être l’occasion de revenir sur les insuffisances passées, et de porter des objectifs ambitieux en termes de production de logement abordable, de soutien au secteur AHI, d’accompagnement, d’accès et de maintien dans le logement des personnes les plus pauvres.
Rassemblement Mercredi 25 janvier à 11h devant le Sénat – Angle rue de Tournon/rue de Vaugirard
Les 40 associations du Collectif des Associations Unies, ainsi que les 30 associations et syndicats de la Plate-Forme Logement pour TouTEs se rassemblent mercredi 25 janvier à partir de 11h devant le Sénat, lors des débats en commission des lois, afin de protester contre la proposition de loi « Kasbarian-Bergé », qui prévoit de sanctionner durement les locataires en instance d’expulsion et les occupants sans titre, tandis que la crise du logement ne cesse de s’aggraver.
Programme : – Prises de parole d’associations et témoignages, – Fresque de la rue, organisée par l’association La Cloche ( https://la-fresque-de-la-rue.webflow.io/)
Le 31 janvier, la proposition de loi « Kasbarian-Bergé » de la majorité visant à criminaliser les victimes de la crise du logement sera examinée en séance au Sénat. Durci le 2 décembre lors de son adoption à l’Assemblée nationale en première lecture, le texte prévoit une accélération considérable de l’expulsion des locataires en impayés de loyers, empêchant tout travail sérieux d’accompagnement et retirant à la justice son pouvoir d’appréciation. Surtout, il prévoit d’envoyer en prison celles et ceux qui n’auraient pas trouvé de solution de relogement, tout en renforçant les peines encourues par les personnes qui se mettraient à l’abri par nécessité dans des locaux parfaitement vacants.
Cette proposition de loi condamne ainsi à 3 ans de prison et à 45 000 € d’amende :
Les personnes sans bail : hébergées, victimes de marchands de sommeil, conjoint.e.s, bail verbal… ;
Les personnes sans-abri, qui occupent un bâtiment vide, des logements vacants, des friches industrielles ou des bureaux vides pour se protéger de la violence de la rue, alors que jamais notre pays n’a compté autant de logements et de locaux vacants ;
Les accédant.e.s à la propriété surendettés, qui perdent leur titre de propriété, ainsi que les petits commerçant.e.s et artisan.e.s dont le bail est résilié ;
Et même les grévistes occupant leur lieu de travail, ou établissant un piquet de grève…
Sous couvert de protection des petits propriétaires face au squat de leur domicile, pourtant déjà puni par la loi d’un an de prison, de 30 000 € d’amende et d’une expulsion sans jugement en 48h, la proposition de loi s’attaque en réalité potentiellement à toutes les personnes en situation de pauvreté ou de mal-logement, ou confrontées à un accident de la vie.
Elle condamne ainsi à 6 mois de prison et 7 500 € d’amende les locataires du parc privé qui ne quittent pas d’eux-mêmes leur logement après un commandement de quitter les lieux prononcé par la Justice.
En plus d’être incohérente avec les intentions affichées par le gouvernement en matière de prévention des expulsions, de Logement d’abord et de lutte contre les marchands de sommeil, l’adoption de cette loi socialement brutale est la promesse d’un accroissement considérable du nombre de personnes sans domicile.
Elle intervient de plus dans un contexte d’inflation du coût de la vie, des loyers et de l’énergie, qui contraint déjà les plus fragiles d’entre nous à devoir choisir entre manger, se chauffer, se soigner, ou payer son loyer.
Rappelons que la France compte plus de 300 000 personnes sans domicile dont 50 000 enfants ; 2,3 millions de ménages en attente d’un logement social ; 130 000 jugements d’expulsion par an ; 15 millions de personnes fragilisées par la crise du logement dont 4 millions de personnes mal logées.
Face au risque d’un recul sans précédent du droit au logement, les associations, mouvements sociaux et syndicats se mobilisent pour demander aux sénateur.ices de mettre un coup d’arrêt à cette proposition de loi.
Un rassemblement se tiendra le 25 janvier à 11h devant le Sénat, ainsi qu’une manifestation à Paris le 28 janvier, à 14h à Bastille.
Témoignage de Giovanni : Je suis à l’hôtel mais à la rue parfois aussi. On oublie que le squat c’est le dernier recours avant la rue. Beaucoup ont pu tenir le coup parce qu’ils avaient un squat donc ils ont pu garder leur travail, leur famille. En France, c’est qu’une fois tous les 5 jours qu’on peut être logé par le 115. Toutes les personnes qui passent par la rue mettent énormément de temps à s’en remettre voir ne s’en remettent jamais. Quand on a pas d’assistant.e social.e, comment savoir à quels droits on peut avoir accès et les démarches administratives à faire ? Il faut 3 mois pour pouvoir faire une demande de logement social. Le seul moyen de s’en sortir ou d’encaisser le coup, c’est le squat. Beaucoup de personnes qui travaillent sont à la rue et vivent dans des squats. Il y a énormément de personnes invisibles à la rue qui sont dans des squats…
Contacts presse :
CAU : Charlotte Abello, Chargée de communication à la Fédération des acteurs de la solidarité et pour le CAU, charlotte.abello@federationsolidarite.org / 06 17 80 03 52
Alors que plusieurs départements ont déclenché leurs plans « grand froid » pour faire face aux températures hivernales qui touchent la France, les inquiétudes des associations pour les personnes à la rue et mal-logées restent fortes et nombreuses.
Des records de demandes non pourvues au 115 sur certains territoires :
Malgré le maintien salué par nos associations, des 197 000 places d’hébergement en fonctionnement et la promesse du Ministre du Logement qu’il n’y ait plus aucun enfant à la rue cet hiver, la situation reste dramatique pour un nombre très important de personnes sans domicile. Et pour cause, le 5 décembre 2022, 5014 personnes ont appelé le 115 sans obtenir de places d’hébergement. 56 % de ces demandes concernaient des familles, dont 1346 enfants. Mais ces chiffres ne reflètent pas l’intégralité des situations vécues par les personnes. Pour exemple, en Seine-Saint-Denis, entre 1500 et 2000 appels saturent quotidiennement la plateforme d’appel au 115 sur ce département, et seuls 350 à 500 parviennent à joindre les équipes d’écoutants. Avec presque 100 % de demandes non pourvues ces dernières semaines sur ce département, 70 % des personnes se découragent et cessent de recourir à ce numéro d’urgence.[1] Les écoutants 115, dont les conditions d’exercice sont de plus en plus difficiles, attendent toujours l’engagement du gouvernement sur le fait d’obtenir la prime Ségur dont ils ont été exclus. Les situations de sous-effectif dans les équipes s’amplifient. Pleinement engagés dans la politique du logement d’abord, nous ne pouvons que constater que celle-ci ne permet pas aujourd’hui de répondre aux besoins importants qui s’expriment en urgence faute d’ambition de construction de logements sociaux adaptés et d’engagement pluriannuel.
Demandes d’hébergement non pourvues (DNP) au 115, chiffres de la FAS
Une remise en cause de l’inconditionnalité de l’hébergement d’urgence :
C’est dans ce contexte déjà très tendu, et alors que plus de 600 personnes meurent à la rue[2] chaque année, que le secteur associatif déplore un risque de recul du droit à l’hébergement et au logement. En effet,dans un texte du 17 novembre 2022 relatif à l’exécution des obligations de quitter le territoire français (OQTF), le ministre de l’intérieur a notamment demandé aux préfets de suspendre la prise en charge des personnes concernées dans l’hébergement d’urgence et le logement social. Aucune condition de régularité de séjour, et a fortiori d’absence d’OQTF, n’est pourtant établie par la loi pour permettre l’accès ou le maintien dans un hébergement d’urgence, ni pour procéder à une rupture de bail. Ces instructions créent des situations de non-recours pour les publics mettant gravement en danger leur santé et sécurité. Elles entrainent une fragilisation des structures associatives et des travailleurs sociaux en première ligne face à ces situations de détresse.
Le vote à l’Assemblée nationale d’une proposition de loi favorisant les expulsions de logement :
Comme si cela ne suffisait pas, le 2 décembre a été votée en 1ère lecture à l’Assemblée nationale une proposition de loi criminalisant les victimes de la crise du logement, qui trouvent refuge dans un bâtiment vide et désaffecté, qui s’installent dans un logement vacant et inutilisé par son propriétaire, ou qui sont confrontées à un impayé de loyer à la suite d’un accident de la vie. En plus d’être en incohérence avec la politique de prévention des expulsions et au plan Logement d’abord mis en place par le gouvernement, l’adoption de cette loi contreproductive pourrait provoquer un engorgement de la justice et un accroissement du nombre d’expulsions locatives. Nos associations demandent instamment au Parlement de ne pas poursuivre sur ce chemin honteux.
Impact de la crise énergétique sur les plus précaires :
Dans les mois à venir, les conséquences de la hausse des prix de l’énergie conjugués à une inflation croissante viendront également impacter la situation des plus fragiles et de ceux qui les accompagnent. Les centres d’hébergement, les accueils de jour, les résidences sociales, les foyers de jeunes travailleurs, tous sonnent l’alarme face aux moyens insuffisants à leur disposition pour continuer à assurer leurs missions. En effet, leur modèle économique ne leur permet pas d’absorber la hausse des factures d’énergie, même après l’application des boucliers tarifaires. Pour les acteurs du logement social, l’inquiétude est double: la hausse des charges locatives liée à la crise de l’énergie va rendre encore plus difficile l’accès au logement social des ménages précaires jugés insolvables, et les locataires en place risquent de devoir faire des arbitrages impossibles sur leur budget quotidien, au risque de se retrouver en situation d’impayés.[3] Cette menace pèse également sur les ménages précaires logés dans le parc privé, qui en l’absence d’aides structurelles à la hauteur des besoins ne pourront pas faire face à la hausse programmée de 15 % des prix du gaz et de l’électricité en janvier et février 2023.
Alors qu’un Conseil National de la Refondation consacré au logement est lancé depuis quelques semaines, le Collectif des Associations Unies demande au gouvernement la mise en place d’actions cohérentes, concrètes et structurelles pour éviter la bombe sociale qui nous attend.
[1] Une étude réalisée en juin 2022 par Interlogement 93 (SIAO de Seine-Saint-Denis) auprès de plusieurs accueils de jour en Seine-Saint-Denis révèle que 70% des personnes ayant dormi à la rue n’avait pas contacté le 115, 85% pour les hommes seuls.
[2] Au moins 623 personnes sans domicile sont mortes des conséquences de la rue en 2021, à 48,5 ans en moyenne, selon le Collectif les morts de la rue.
[3]Communiqué de presse, « Hausse des coûts de l’énergie et logement/hébergement des plus modestes : tout un secteur de la solidarité en fragilité », 12 décembre 2022, USH, UNAFO, UNAHJ, FAS.
A quelques heures de son passage en séance, la proposition de loi des députés Renaissance contre « l’occupation illicite » des logements, a encore été durcie par la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale.
Cette proposition de loi, qui amalgame squats de domicile, squats de bâtiments vides et locataires en impayés, consacre de graves reculs du droit au logement et augmenterait considérablement le nombre de personnes sans domicile si elle était adoptée. En pointant des situations éparses, souvent infondées, mal présentées, ou hors sujet, et entretenant largement la confusion entre ces trois cas de figure à laquelle la loi répond déjà de manière proportionnée, les députés proposent des modifications dangereuses :
La procédure accélérée d’expulsion de squat de « domicile » serait étendue aux lieux vides de meubles, ce qui est un non-sens, puisqu’un lieu sans meuble n’est pas habité, mais risque de conduire à de graves dérives dans l’application d’une procédure administrative exceptionnelle qui échappe au contrôle du juge. Le texte triplerait les peines de prison, jusqu’à trois ans, pour des cas de squats de « domicile », en y intégrant donc le squat de logements totalement vacants.
De plus, l’occupation « sans droit ni titre » d’un logement appartenant à un tiers « s’apparenter[ait] à un vol », et pourrait conduire à des peines de prison allant cette fois-ci jusqu’à dix années, y compris pour le squat de « locaux d’habitation » vides voire abandonnés depuis des années. Pire, des locataires condamnés à l’expulsion pour impayés de loyer ou de charges, congé-vente… deviendraient eux aussi des « voleurs » s’ils se maintiennent dans les lieux. Tant sa définition est vague, ce nouveau délit concernerait également les sous-locataires, les personnes hébergées, les locataires non déclarés, les personnes victimes d’un faux bail ou d’un marchand de sommeil…
En incohérence totale avec la politique de prévention des expulsions déployée depuis plus de 30 ans et renforcée dans le cadre de la politique du « Logement d’abord », la proposition de loi attaque en effet aussi les locataires. En cas d’impayés, par exemple, le juge ne pourra plus accorder d’échéancier, vérifier le montant de la dette locative ou la décence du logement, si le locataire n’a pas repris le paiement intégral de son loyer et s’il ne le demande pas expressément. Cela implique qu’il soit présent à l’audience (ce qui ne concerne que 37 % des cas…) et qu’il soit assisté d’un avocat ou très bien informé de ses droits.
A ceci s’ajouterait une réduction d’un mois des délais à chacune des trois étapes de la procédure, qui visent justement à tout faire pour prévenir le drame de l’expulsion. Pour ne citer que le 1er délai réduit, celui du commandement de payer, rappelons qu’actuellement ce délai permet une fois sur deux le remboursement de la dette, ce qui est bénéfique tant pour le locataire que pour le propriétaire.
Enfin, la proposition de loi divise par trois les délais de maintien dans le logement pouvant être accordés au ménage par le juge, si sa vulnérabilité le justifie, le temps que le ménage puisse trouver une solution alternative ou que l’Etat honore son obligation de relogement au titre du droit au logement opposable (DALO).
Le gouvernement a annoncé soutenir cette proposition de loi dans un contexte inédit de hausse des prix de l’énergie et des loyers. Tout en niant le rôle du juge et du préfet dans l’appréciation de situations très diverses qui appellent un examen au cas par cas, tant les séquelles d’une expulsion peuvent être lourdes et durables. Veut-on vraiment voir 30 ou 40 000 ménages expulsés chaque année ? Veut-on vraiment contraindre les personnes sans-abri, victimes d’un accident de la vie ou précarisées par la crise du logement à choisir entre la rue et la prison ?
Cette proposition de loi honteuse se trompe de cible : à l’heure où la France compte 4 millions de mal-logés, 2,2 millions de demandeurs HLM, 77 000 ménages DALO à reloger, 3,1 millions de logements vides, c’est la crise du logement qu’il faut combattre, et non ses victimes.
ATD Quart Monde, Association DALO, Association nationale des Compagnons Bâtisseurs, Droit au Logement, Collectif national droits de l’homme Romeurope, Collectif Les Morts de la Rue, Fédération Nationale des Samu Sociaux, Fédération des acteurs de la solidarité (FAS), Fédération des associations et des acteurs pour la promotion et l’insertion par le logement (FAPIL), Fédération SOLIHA, Fédération Santé Habitat (FSH), Fnasat – Gens du voyage, Fondation Abbé Pierre, GISTI, Les enfants du canal, La Cimade, La Cloche, L’Auberge des Migrants, Médecins du Monde, Migration 59, Paris d’Exil, Secours Catholique – Caritas France, Solidarités Nouvelles pour le Logement (SNL), Syndicat de la magistrature, UNCLLAJ, UNIOPSS
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